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122 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
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A qui s'adressaient les prélats qui prenaient ce souci de la décoration de leurs églises? Il parait difficile d'admettre qu'ils eussent recours à des artisans installés au loin; nous serions assez porté à supposer, en l'absence de tout élément d'information, qu'ils appelaient auprès d'eux et faisaient travailler, sous leurs yeux et sous leur contrôle, les tapissiers auxquels ils accordaient leur confiance.
Un témoignage contemporain bien curieux nous a conservé le souvenir cles précautions infinies qu'on prenait, à cette époque, pour que l'oeuvre du tapissier n'offrit rien qui pût choquer les scrupules du théologien le plus pointilleux. Un vieux manuscrit conservé à Troyes, et publié par M. Ph. Guignard en 1851, contient, avec un luxe de détails inoui, la description d'une suite de vingt-deux histoires relatives à la vie de saint Urbain. Le titre suivant ne laisse pas de doute sur la destination de ce commentaire : « Mémoire pour l'ordonnance des hystoires et mistères qu'ilz seront contenus, faicts et portraicts en une tapisserie, où notem-ment sera démonstrée, et par escript déclarée, la vie, légende et dévote conversacion du glorieux sainct Urbain, martii- et premier pape de ce nom. » Rien ne manque à la description ; Ie nombre et l'attitude des personnages, la couleur des vêtements, les accessoires, meubles, écussons, etc., et jusqu'au huitain qui doit accompagner chaque panneau, tout est minutieusement indiqué. Que cette tapisserie ait été exécutée ou qu'elle ait été remplacée par une histoire du pape troyen Urbain IV, peu importe ; elle ne nous offre pas moins un témoignage sensible des précautions infinies prises afin que les suites religieuses, destinées à la décoration des églises, ne continssent rien de contraire au dogme, rien qui blessât la piété des fidèles.
On trouve encore une marque significative de la faveur dont jouissait la tapisserie vers la fin du x v° siècle, comme instrument d'édification pour les personnes pieuses, dans le traité qui porte ce titre bizarre : « Deux pans de la tapisserie de Jehan Germain, évèque de Chalon-sur-Saône, représentant la loi de Moyse, l'Évangile, etc. » Ici encore, les descriptions sont tellement précises, que le bon prélat a du nourrir le secret espoir de voir quelque tapissier s'emparer de son commentaire pour le traduire avec la navette. Ces détails ne paraîtront peut-être pas inutiles; ils nous montrent la place énorme que la tapisserie occupe dans la déco-
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